Que faire face à l'incompétence au sein d'une équipe agile ?

Une lectrice assidue m’a fait parvenir suite à la publication de la chronique l’agilité en 10 questions l'interrogation suivante :
Comment faire si une personne de l'équipe agile n'a pas les compétences requises et qu'il est difficile de lui faire confiance ?

Une question cruciale sans réponses pré-établies

L'univers des projets, agiles ou non, est éloigné du conte de fées ou du long fleuve tranquille.
Tout chef de projet se rêve Herbert von Karajan à la tête de la Philarmonie de Berlin. Mais dans la réalité, qui n'en est pas à une facétie près, parfois, le premier trombone n'aurait pas sa place dans une fanfare de village. Dans ce cas, comment manager ce mouton noir ?

Le mouton noir ou manager l'incompétence dans une équipe agile

Une personne, qui - à tort ou à raison et quelles qu'en soient les causes - se vit comme peu compétente ou motivée, a tendance à se mettre d'elle-même en marge de l'équipe.
Le cercle vicieux est alors très proche. En effet, si ses coéquipiers la perçoivent comme peu efficace, ils risquent de creuser un peu plus le fossé.
De surcroît, si le leader du projet nourrit des doutes à son sujet, la catastrophe est proche. Ne rien faire ou encore réagir brutalement sont deux mauvaises solutions qui affectent durablement le moral de l'équipe.

L'agilité reposant sur le collectif, de telles situations deviennent rapidement préjudiciables au bon fonctionnement de tout le groupe.
Les recettes prêtes à l'emploi n'existent pas pour surmonter ces difficultés. L'humain et le pragmatisme priment sur les processus et procédures. Tentons, toutefois, de tracer quelques grandes lignes pour éviter les dérives paroxystiques.

Débuter par un constat fouillé

Avant une quelconque action, il est important de maîtriser, autant que faire se peut, le contexte, nécessairement complexe, par de multiples interrogations.

Que savons-nous de cet équipier ?
Quel a été son passé professionnel ?
Quelles sont ses motivations ? ses talents et ses compétences, dans et hors de l’entreprise ? ses manques ? ses domaines d’inconfort ?
Avec qui entretient-il de bonnes et de mauvaises relations ? etc…

Comment, factuellement, définir le ou les problèmes qu’il pose à l’équipe ?
Cette personne rencontre-t-elle de véritables difficultés ou bien se perçoit-elle comme en difficulté ?
Quelle est, objectivement, sa contribution réelle au travail de l'équipe ?
Comment est-elle appréciée par ses coéquipiers ? par les autres personnes de l'entreprise ?

Ses difficultés sont-elles professionnelles, relationnelles ou motivationnelles ?

  • Est-ce une gêne, voire une incapacité, à remplir sa mission dans le projet ?
    Si oui, est-ce un souci ponctuel, comme l’absence d’un savoir-faire particulier ? ou bien un manque de bases ?
  • Est-ce des relations délicates avec d'autres personnes ? Lesquelles ?
  • Ne serait-ce pas plutôt un manque de motivation ?
  • Dans ce cas, les causes sont-elles à rechercher à l’intérieur de l'équipe ou de l'entreprise ?
    Une démotivation d'origine extra-professionnelle est très délicate à appréhender. Les raisons véritables, qui relèvent de l'intime et de la vie privée, peuvent être très diverses : deuil, maladie, rupture, déménagement, famille, finances personnelles… Fréquemment, elles sont difficiles ou impossibles à connaître.

De quelles options disposons-nous ?
Cette personne peut-elle remplir une autre mission dans le projet ou ailleurs dans l'entreprise ?
Est-il possible de la remplacer ? À quelle échéance ? Avec quels risques pour elle, pour son remplaçant et pour le projet ?

Rechercher par le dialogue des voies favorisant l'inclusion

Le plus souvent, les meilleures solutions sont celles que la personne en difficulté est amenée à construire par elle-même.
L'analyse du contexte doit être suivie d'un dialogue avec cet équipier.
Plus il pourra exprimer son ressenti et ses problèmes, plus les chances pour qu'il se ré-inclue de lui-même dans l'équipe sont élevées.

Au cours de ce dialogue, le chef de projet dispose de plusieurs éléments favorisant une démarche positive.

Les manques de compétence peuvent se combler par de la formation, des recours à des aides extérieures à l’équipe, mais aussi par du mentorat qui est une manière motivante de transférer informellement des connaissances.

De même, améliorer la motivation est plus aisé au sein d'une équipe agile que dans un projet mené avec des méthodes classiques.
Donner du sens à son travail est une condition nécessaire à y trouver du plaisir. Bien connaître les objectifs et les clients, savoir en permanence “où on en est” et pouvoir mener ses tâches en autonomie aident à sentir mieux dans son boulot.
Plus l'équipe et son leader rendent le projet attrayant et séduisant, plus ce cheminement a de chances de survenir.

Néanmoins, deux cas sont particulièrement complexes à aborder.

Les difficultés personnelles se traitent hors de l'équipe

Lorsque les soucis professionnels d’un équipier proviennent d'une situation personnelle grave, les remèdes sont le plus souvent hors de l’entreprise, généralement sous la forme prise en charge médicale, sociale ou psychologique.

Un manager ou leader d'équipe doit éviter de se comporter en professionnel du soin ou de l'assistance. Comme il n'en a généralement ni le talent ni les compétences, les risques pour l'équipier mais aussi pour lui-même sont importants.

Toutefois, dans ces moments délicats, il est essentiel de ne jamais se départir d'humanité et de bienveillance. C'est la meilleure aide à apporter à la personne en souffrance. De surcroît, tout manquement dans ces domaines est, logiquement et immédiatement, sanctionné par une démotivation durable de toute l’équipe.

Neutraliser l'expert non coopératif

Si le détenteur d’un savoir-faire critique à l'accomplissement du projet est soit désintéressé dans sa réussite, soit rétif au travail en équipe, le chef de projet et son collectif sont confrontés à un test de résilience.
Là encore, pas de formule miracle pour venir à bout de ce mélange explosif d'Iznogoud et de Professeur Tournesol mais quelques questions.

Est-il possible de ne pas recourir à cet expert ? Son savoir-faire est-il réellement indispensable ? Ne peut-on pas trouver les mêmes compétences ailleurs, y compris à l’extérieur ? S'il démissionnait demain, que ferions-nous ?
Est-il possible d’isoler l’action de ce grincheux ? Pouvons-nous traiter avec lui en mode “guichet” ?

Les principes de l’agilité ne sont pas des dogmes. Ce genre de personnage est moins toxique en marge de l'équipe plutôt qu’en son centre.

Conclusion : agilité et rugby même combat !

L'entraîneur d’une équipe de rugby n'a que rarement le choix de son effectif. De surcroît, lorsqu'en milieu de saison, les blessures ont décimé ses vedettes, il se voit contraint d'appeler en équipe première des joueurs qui n'avaient pas sa préférence initiale.
Le leader d’une équipe agile est souvent dans le même type de situation. À l’instar du coach sportif, il doit, en s’appuyant sur son collectif, son imagination et son humanité, trouver les solutions qui feront fonctionner son groupe.

Pour aller plus loin

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Didier Lebouc