La France et sa poste au XIXème siècle

Au milieu du XIXème siècle, la France vivait une période de mutations rapides.
Entre 1860 et 1871, les contours de la métropole ont beaucoup évolué grâce ou à cause de Napoléon III, gain du comté de Nice et de la Savoie, perte de l'Alsace Lorraine. Dans le même temps, l'empire colonial était en pleine expansion.
La révolution industrielle battait son plein et transformait durablement la société.
La poste française qui avait émis en 1849 ses premiers timbres les célèbres Cérès, ouvrait alors de nombreux bureaux à l'étranger.

Histoire postale et évolution des tarifs

La France a émis son premier timbre poste, le célèbre Cérès à 20 centimes, le 1er janvier 1849 sous la IIème République, 9 ans après la Grande Bretagne.
Une seule famille de graveurs de la Monnaie de Paris, les Barre, a réalisé tous les timbres français de cette époque. Jacques-Jean Barre a gravé les timbres Cérès. Son fils Albert Désiré Barre a réalisé ceux du Second Empire à l'effigie de Napoléon III ainsi que les timbres dits aigle des colonies de l'Empire français. La famille Barre a aussi réalisé les premiers timbres grecs Hermès.

Sous le Second Empire, une lettre au tarif postal intérieur coûtait 20 centimes, soit la valeur d'une heure de travail ouvrier. Le salaire d'une journée de 10 heures était de 2 Francs.
En Angleterre, le courrier était alors trois fois moins coûteux.
En novembre 2014, le même envoi en France est affranchi à 0.66 €, c'est à dire environ 4 minutes de salaire minimum ouvrier (SMIC). Le coût d'une lettre a donc été divisé par 14 en un siècle et demi mais avec des délais paradoxalement beaucoup moins fiables.
Une lettre envoyée par Colissimo avec un délai garanti de 48 heures comparable à celui de 1860 représentait presque 1 heure de SMIC net 2012 (9.3 €), un coût du même ordre que lors de la révolution industrielle.
Par contre, le tarif de 24 € pour le même pli par Chronopost équivalait à environ à 2.5 heures de SMIC 2012 pour un délai garanti de 24 heures.
À titre de comparaison, en 1860, en France, le kilogramme de pain valait 30 centimes, soit 1.5 heures de travail ouvrier.
Aujourd'hui, la baguette de 250 grammes à sensiblement 1 € valorise le kilogramme de pain à 30 minutes de SMIC 2014, une baisse d'un facteur 3.

Quelques lettres expédiées en France au XIXème siècle

Lettre de Ribécourt à Chaville du 15 mars 1850 affranchie avec un timbre Cérès
Lettre de Ribécourt (Oise) à Chaville du 15 mars 1850
Cette lettre est affranchie à 20 centimes avec le premier timbre poste émis en France le 1er janvier 1849 qui représente Cérès, la déesse des moissons symbole de la République.
Environ 10% seulement des lettres étaient alors affranchies car, contrairement à l'Angleterre, la réduction de tarif postal en faveur du timbre n'avait pas encore été mise en place.
Il s'agit d'un courrier administratif écrit par le maire de Chiry, commune de l'Oise limitrophe de Ribécourt, à destination de
Monsieur Lepine jardinier à Chaville.
À l'époque le département de l'Oise portait le numéro 58, et non pas 60 comme aujourd'hui. En effet, la nomenclature utilisées par la Poste française était celle de 1790. Les Alpes Maritimes, désormais 06, ne furent annexées à la France qu'en 1860 et le département de la Loire, bien que créé en 1793, était numéroté 88 et non pas 42. Ce n'est qu'en 1922 que la numérotation départementale actuelle fut mise en place.

Lettre de Mens (Isère) à Paris du 31 janvier 1849 affranchie avec un timbre Cérès
Lettre de Mens (Isère) à Paris du 31 janvier 1849
Ce pli est, comme le précédent, affranchi à 20 centimes avec un timbre Cérès.
Il est adressé à
Monsieur Frédéric Cuvier Maitre des requêtes Sous Directeur des cultes non catholiques au Ministère de l'instruction publique et des Cultes, frère du paléontologue et activiste protestant Georges Cuvier auquel il avait succédé à ce poste politico-administratif.
Le sud du Dauphiné était et est toujours une région avec une population protestante importante. Les protestants étaient alors, hors Alsace, environ 650
 000 soit 1.5% de la population française. À partir de 1872, la jeune IIIème République a cessé de demander l'appartenance religieuse lors des recensements.
Le cachet comporte le nombre
37 représentatif de l'Isère et non pas 38 comme aujourd'hui.

Lettre de Marseille à Tunis du 2 novembre 1866
Lettre de Marseille à Tunis du 2 novembre 1866
Ce pli, affranchi avec un timbre poste Napoléon III à 40 centimes, n'a mis que 6 jours pour être acheminé de Marseille à Tunis ce qui reste un délai enviable aujourd'hui.
Il a transité par Bône, désormais Annaba, en Algérie qui était depuis 1832 le port
français le plus proche de la Tunisie.
Le destinataire
Haï di Salomon Bessis était un riche commerçant et propriétaire qui construisit le palais beylical de Carthage, membre d'une famille juive implantée de longue date en Tunisie.
Cette lettre comporte deux entailles verticales de purification. Afin d'éliminer les sources potentielles de choléra et de peste, les lettres étaient entaillées puis fumigées ou trempées dans du vinaigre.
Dès le début du XIXème siècle, de nombreux italiens, notamment d'origine juive livournaise, s'étaient implantés en Tunisie. Ils avaient une influence économique importante d'où probablement l'adresse dans la langue de Dante.

Lettre de Marseille à Tunis du 29 septembre 1871
Lettre de Marseille à Tunis du 29 septembre 1871
Cette lettre a été affranchie au double port avec un timbre Napoléon III à 80 centimes.
Pourtant, l'empereur des français avait été fait prisonnier à Sedan un an plus tôt, la République proclamée le 4 septembre 1870 et la déchéance de Napoléon
 III votée le 1er mars 1871.
Toutefois, à cause de la pagaille politique et militaire qui régnait en France, les timbres à l'effigie de l'empereur continuèrent à être employés.
Les premiers timbres Cérès de la jeune IIIème République ne furent émis que le 2 septembre 1871 et leur circulation fut longue à se mettre en place. La poste républicaine songea même à émettre des timbres Napoléon
 III surchargés afin de mettre en place rapidement de nouveaux tarifs plus onéreux.
La missive a été expédiée par une entreprise marseillaise de négoce
STOCKER GOLDSCHMID & CIE.
Le destinataire tunisien
Elia di Haï Salon Bessis est le fils de celui de la lettre ci-dessus. En effet, le di italien était utilisé par les juifs italiens ou protégés italiens pour marquer la filiation. Elia di Haï est donc le fils de Haï, lui-même fils de Salomon.

Lettre de Toulon sur Mer à Bône / Annaba (Algérie) du 2 mai 1881
Lettre de Toulon sur Mer à Bône / Annaba (Algérie) du 2 mai 1881
Ce pli est adressé à
Monsieur Moye Commandant de l'Aviso le Cassard.
Ce bâtiment militaire à vapeur, lancé en 1866, participait alors à
l'Expédition Tunisienne, euphémisme pour conquête coloniale de la Tunisie par la France.
Le 2 mai 1881, jour de l'envoi de ce pli, le Cassard, avec 9 autres navires militaires, prenait position devant le port de Bizerte qui se rendait sans combattre. Militairement, la messe était dite et, le 12 mai 1881, le bey de Tunis reconnaissait sa défaite en signant le traité du Bardo qui transformait son état en protectorat français.
Les quatre canons de l'aviso Cassard prirent part, en juillet 1881, aux bombardements navals de Sfax et de Gabès qui firent plusieurs milliers de morts et établirent l'ordre colonial français au sud de la Tunisie.
Bien que destinée à un militaire français, cette lettre a été acheminée par la poste civile comme l'atteste le cachet de transit par Marseille au verso. Elle a toutefois bénéficié de la franchise comme le montre l'absence de timbre et de mention de taxe.

Lettre de Bordeaux à Aix les Bains (Savoie) du 18 mai 1860
Lettre de Bordeaux à Aix les Bains (Savoie) du 18 mai 1860
Lettre de Bordeaux à Aix les Bains (Savoie) du 18 mai 1860 (avec zoom sur cachets et timbres)
Cette lettre combine philatélie et jeu de piste.
Émise par
O. GAJAC, propriétaire et négociant en vins de Bordeaux, elle était destinée à un Limonadier d'Aix les Bains en Savoie qui vivait alors son dernier mois d'appartenance au royaume de Piémont-Sardaigne ce qui explique l'affranchissement au tarif postal étranger (50 centimes en 3 timbres).
Elle a été dirigée par mégarde sur Aix la Chapelle / Aachen alors en Prusse où elle est arrivée le 19 mai (cachet rouge
AUS FRANKREICH PER AACHEN). Cette erreur est aisément explicable car les tarifs postaux pour la Prusse et le Piémont-Sardaigne étaient identiques et le plébiscite de rattachement de la Savoie à la France avait eu lieu le 15 avril mais le transfert de souveraineté n'était pas encore effectué.
La très consciencieuse poste de Prusse a redirigé cette lettre vers Aix les Bains, alors encore en Savoie où elle est finalement arrivée le 21 mai (cachet au dos de la lettre) via un transit par la France (cachet
PRUSSE VALENCIENNES du 20 mai).
Tout ce périple postal s'est déroulé en seulement 3 jours, qui dit mieux aujourd'hui ?

Lettre du Havre à Buenos Ayres / Buenos Aires (Argentine) du 10 Janvier 1855
Lettre du Havre à Buenos Ayres / Buenos Aires (Argentine) du 10 Janvier 1855
Ce pli est affranchi avec des timbres à 80 et 10 centimes à l'effigie altière de Napoléon III qui correspondaient au triple port des bâtiments de commerce au départ du Havre.
Seules les lettres de poids inférieur à 7.5 grammes bénéficiaient d'un tarif postal réduit à 30 centimes. L'affranchissement de cette lettre équivalait presque à une demi journée de travail ouvrier.
Le navire transportant la lettre est mentionné en haut à gauche
p Gil Blas.

La France vers 1860

La France a connu un XIXème siècle passablement agité. De 1789, début de la Révolution Française, à 1875, vote de l'amendement Wallon qui ancra définitivement la IIIème République, l'Hexagone a connu pas moins de 12 changements de régime politique, tous provoqués par des révolutions, des coups d'état ou des guerres.
Vers 1860, la France vivait sous le règne de Napoléon III empereur des français. Le second empire entrait alors dans sa phase dite libérale qui faisait suite à des débuts plus autoritaires.
Si le bilan politique de Napoléon le petit est mitigé et définitivement obscurci par le désastre de la guerre de 1870, son bilan économique est excellent. Le Crédit Lyonnais, la Société Générale, la Samaritaine, le Printemps ou les montres Lip mais aussi l'endiguement de la Camargue et la création de la forêt des Landes datent de cette époque.

Les infrastructures de transport se sont considérablement étoffées au XIXème siècle.
Ainsi plus de 400 ponts, investissements privés financés par le péage, ont été construits entre 1825 et 1850, c'est à dire plus que depuis l'époque romaine.
De même, entre 1850 et 1870, le chemin de fer s'est développé à un rythme effréné, environ 700 km de voies ferrées ont été construits annuellement. En 1870, la France totalisait 17 500 km de lignes ferroviaires soit presque autant qu'en Allemagne mais quand même 50% de moins qu'au Royaume Uni.

Carte de France de 1843
Carte ancienne de la France publiée en 1843
Extraits de "L'atlas universel de géographie ancienne et moderne à l'usage des pensionnats établi par Alexandre Vuillemin, élève de Dufour"

Paris, l'antique Lutèce, est la capitale de la France depuis Clovis en 486.  
En 1360 le roi Jean II le Bon fit frapper une monnaie d'or avec l'inscription latine Johannes Dei Gracia Francorum Rex qui fut rapidement appelée Franc.
Le Franc est resté la monnaie de la France depuis cette époque jusqu'au 31décembre 2001 à minuit où il fut remplacé par l'Euro.

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Didier Lebouc